Naji EL KHATIB
Publié le 2015-10-12
Un seul Pays : Un État-commun
Un Pays de « vivre ensemble » contre l’État d’Apartheid
La Nation et l’État-Nation contre les Peuples
Un État post-national : Un État de ses citoyens
Dire la paix, faire l’exclusion du religieux du champ politique
Historique d’un processus avorté d’un Nation-building Palestinien : 3 étapes
1. Libération de la Palestine : La création de l’État-nation palestinien avec ses juifs « dé-sionisé »
Le mot d’ordre historique, depuis la création de l’OLP en 1964 et tout au long des années 70, a été la création d’un État Palestinien Laïque et Démocratique sur tout l’espace géographique de la Palestine historique. Un État garantissant surtout le « Droit de Retour » pour les réfugiés Palestiniens de la guerre de 1948 et celle de1967.
L’attitude de l’OLP a opérée une série de changements du discours politique sous l’influence des tendances Marxisantes au sein de l’ensemble du mouvement national Palestinien et le changement le plus significatif a été le discours sur les droits civiques pour les juifs d’Israël devenus des citoyens de l’État Palestinien, une fois qu’on a débarrassé les Palestiniens et les juifs de l’État d’Israël et de l’idéologie sioniste. Un État Palestinien pour ces citoyens palestiniens et juifs a été perçu comme la marque essentielle d’un État Laïque et démocratique en Palestine.
La guerre des Fedayins contre Israël de 1968 jusqu’au la moitié des années 70 a montré ses limites en termes militaires et a provoqué des conflits et des guerres civiles entre l’« État Palestinien » dans l’État en Jordanie, au Liban et en moindre mesure en Syrie également.
Ces impasses stratégiques majeures et sous les bruits d’une guerre civile annoncée au Liban, le CNP du Caire en 1974, a adopté pour la première fois la possibilité de la création de deux États côte à côte dans la Palestine historique. En 1988, et suite à deux évènements de grande portée : 1. L’invasion du Liban par l’armée israélienne et la dispersion des institutions de l’OLP (sorte d’un État en exil) aux quatre coins du monde arabe et 2. La Première Intifada dans les territoires Occupées en 1987, le CNP d’Alger a adopté en 1988, une résolution clairement définie sur la solution du conflit par la création de deux États. Et sur cette base acceptée par l’ensemble du mouvement national palestinien, les Accords d’Oslo (1993) ont fait miroiter la possibilité d’une véritable réalisation d’un État National pour les Palestiniens sur ces 22% de ce qui restait de la Palestine historique.
2. Négociations de « paix » : La création d’un Mini-État-nation strictement palestinien (sans les colons juifs)
Le renoncement populaire aux fondamentaux du discours nationaliste en acceptant les percepts de la Realpolitik a été perçu comme le prix à payer pour sauver la terre restante de la Palestine d’une colonisation rampante et avec l’espoir d’une solution négociée du problème des réfugiés.
À côté de ces deux motifs principaux, il y a eu une motivation d’ordre psycho-émotionnelle et qui va jouer un rôle déterminant :
Affirmer une identité malmenée et non reconnue avec son corolaire d’humiliation sur les frontières, les difficultés de déplacement, le manque d’un passeport, les sentiments d’écrasement et d’invisibilité, etc.
Nous avons constaté que même les réfugiés au Liban, en Jordanie et en Syrie ont manifesté une joie et adhésion à cette idée d’État en Cisjordanie et à Gaza, en sachant parfaitement qu’ils sont exclus et sacrifiés en tant qu’une priorité primordiale de la cause nationale.
3. Échec de la guerre de Libération Nationale + Échec des Négociations = Échec du projet de Mini-État palestinien et renforcement de l’État Israélien, juif, colonial et d’Apartheid
Voici la réalité nue d’une situation de blocage, de frustration, de massacres et de guerre permanente. Quelles sont les effets et les réactions, côté Palestinien envers une solution basée sur l’idée d’UN ETAT COMMUN BINATIONAL SUR TOUTE LA TERRE DE LA PALESTINE HISTORIQUE ?
Un début d’une réponse nécessite les explications suivantes :
Un État Séculier et Démocratique = État–Bi-Confessionnel (et/ou multiconfessionnel) et non pas un État- Binational !
Étape N°1/1 a représentée dans l’imaginaire politique palestinien la possibilité de cohabiter avec les juifs d’Israël (ou de ce qui a été l’État d’Israël) suite à une guerre de libération aboutissant au démantèlement de ses appareils et de son idéologie sioniste. Le juif, débarrassé du sionisme et anciennement Israélien deviendra alors, un citoyen palestinien de l’État laïque et Démocratique de la Palestine.
L’apport marxiste, moderne d’une pensée politique dominant au sein de l’élite palestinienne a cohabité dans les années 70 avec les racines historiques et organiques d’une pensée politique arabo-islamique faisant du juif comme du chrétien un « citoyen-dhemi » à double allégeance : à l’État « islamique » et à sa communauté et ses instances communautaires. Ce « citoyen » exerce ses droits et ses devoirs communs avec le musulman et ses devoirs et droits distincts à cause de sa deuxième appartenance à sa communauté religieuse.
Cette « citoyenneté » possible, vécue au quotidien dans un passé pas si lointain (les juifs de la Palestine Ottomane) a été sans doute un support de l’idée moderne d’un citoyen juif à côté d’un citoyen palestinien dans le même espace géographico-étatique d’une Palestine bi-confessionnelle (et tri-confessionnelle).
La non-confessionnalité de cet État a été perçue et internalisée dans la conscience politique palestinienne comme la preuve et de son caractère Démocratique et laïque, et nullement comme un État Binational.
Dans la profondeur mentale et psychologique des palestiniens, Le Juif, est un membre de la grande communauté monothéiste (les gens du Livre, juifs et chrétiens) et sa communauté locale est une partie intégrante du tissu social, de quartier et de voisinage. Alors, cette communauté est difficilement qualifiable par le terme de « Nation » car elle fait partie de la communauté des croyants en gardant sa spécificité confessionnelle.
Cette perception du Juif et de la communauté Juive en étant « communauté autochtone » et qui fournit le cadre référentiel à la perception politique consciente des Palestiniens, a trouvé dans le discours marxiste des années 70 un appui inattendu : la communauté juive d’Israël n’est point une Nation selon les principes Marxistes.
Ainsi, le principe du Binational apparait (et probablement apparaîtra encore) comme une contradiction avec une perception généralisée tirant ses racines dans la pensée politique arabo-islamique ancestrale et de la pensée moderne marxisante. Cette perception a façonné la conscience politique et l’inconscient collectif. Dire la relation avec le Juif Israélien est faire l’abstraction du nouveau juif Israélien, Ashkénaze, Sabra et Arabe-Séfarade-Ashkénaze et Israélisé.
Cet obstacle est de taille : le refus d’admettre l’existence d’une identité « Nationale » juive-Israélienne et la persistance de la perception de la communauté juive Israélienne comme « une communauté juive non-nationale » est alimenté par l’insistance du discours officiel Israélien sur l’amalgame entre « Israël » comme État-Juif, exclusivement juif, pour tous les juifs du monde, etc.
Une acceptation de la part des Palestiniens de cette définition de l’Israélité étatique de tous les juifs d’Israël et du monde entier, représente une acceptation palestinienne de l’origine biblique de la prétention sioniste au droit des juifs en Palestine : la base de la création de l’état d’Israël sur les décombres de la société palestinienne (État d’Israël=la Nakba palestinienne).
Cette acceptation palestinienne signifie également l’abandon du Droit au Retour pour les réfugiés car l’État-Nation-Juif-Israélien est réservé pour ses juifs d’ici et d’ailleurs et nullement pour les réfugiés dont le retour menace sa Judéité exclusive (le 1er article de la Constitution Israélienne qualifie le citoyen de l’État comme un juif exclusivement, donc, la nationalité Israélienne=la nationalité Juive).
Cette acceptation palestinienne menace également les réfugiés palestiniens de l’intérieur de l’État d’Israël (dans les frontières de 1948) et les autre citoyens « Arabes » de l’État juif. Les discours de l’extrême droite sioniste sur la nécessité de les expulser en dehors de l’État, traduit le malaise général de leur visibilité et de leur taux de natalité élevé, perçu comme une menace démographique imminente (des études montrent qu’en 2050 dans l’ensemble de l’espace géographique de la Palestine historique, les juifs perdront la majorité numérique actuelle au profit des Palestiniens : 47% contre 53%).
Cette phobie collective envers les Palestiniens a conduit l’extrême droite et une partie de l’opinion publique en Israël à envisager des solutions radicales du Transfert de population et des territoires : retour des colons derrière la Ligne Verte contre l’expulsion des Palestiniens d’Israël vers le futur mini- État–vassal. Des voix ont été plus loin : céder à cet État hypothétique des territoires Israéliens de la région de Triangle, densément peuplé par les palestiniens actuellement de « nationalité » Israélienne (une continuité de la Nakba de 1948).
Le discours de la gauche Israélienne est lui aussi tenté de chauvinisme nationaliste juif en insistant sur la nécessité d’une pureté juive de l’État pour conserver son caractère soi-disant « Démocratique ». En plus, ce discours de la gauche sioniste autour de la paix avec les palestiniens est basé sur cette idée d’une « purification » pour vivre son Israélité-Judéité chez soi, à l’intérieur de ses frontières et loin de l’autre (ce discours s’identifie avec les principes fondateurs du sionisme, des principes d’une Judéité ashkénaze euro-centriste, raciste et coloniale).
Ainsi, s’accumulent tous ces éléments explosifs : le juif comme une entité juridique attribué à sa confession religieuse et non nationale, est la racine culturelle de la perception politique palestinienne. Cet élément trouve des points communs avec l’amalgame fait par la présentation de l’État d’Israël en étant qu’État Juif, pour les juifs. Or, il s’agit ainsi de renforcer la perception palestinienne qui consiste à considérer que tout Israélien est essentiellement juif au sens de l’appartenance religieuse.
Dans ce contexte, la Nation Israélienne n’existe pas car elle est exclusivement Juive, c’est-à-dire religieuse et confessionnelle.
L’État D’Israël est un État Binational-en-devenir et sans les territoires occupés (l’hypothèse d’un Mini-État Palestinien en devenir)
Étape N°2/2 a représentée dans une culture politique palestinienne, marqué par l’acceptation des principes de la realpolitik (au long des années 80 et 90), la possibilité de vivre la séparation entre le peuple d’Israël (sa composante juive) et le peuple palestinien. Une séparation spatiale qui nécessite la désignation des frontières respectant la Ligne Verte, le retour de tous les colons à l’intérieur d’Israël et l’application du droit de retour pour les réfugiés en Israël et dans l’État Palestinien.
Mais, cette solution qui représente un sacrifice et un compromis historique de la part des palestiniens a été perçu en Israël comme une transformation de l’État d’Israël en étant État Juif à un État Binational de facto : présence des palestiniens d’Israël (actuellement, 25% de la population de l’État + un retour des réfugiés en Israël qui va augmenter sensiblement ce pourcentage + le taux de natalité élevé chez les Palestiniens d’Israël et les futures Palestiniens du même État (les réfugiés en provenance du Liban, la Syrie et la Jordanie essentiellement). (Israël : État binational dans ses frontières de 1948)
L’échec des Accords d’Oslo et l’échec des négociations en général depuis 1993 est le reflet de ces équations inconciliables.
La solution d’un « un Seul Pays-un État commun »
Étape N°3/3 représente l’échec de tout l’énoncé nationaliste, confessionnaliste, religieux mais aussi Bi-National. Le poids des idéologies, des éléments culturels, des phobies collectives, des souffrances causées par l’exil et les guerres rendent « illusoires » toutes les solutions en cours.
Un principe éthique pour une solution politique où un Pays n’est pas automatiquement égal à un État-nation mais un État pour ses habitants et ceux qui sont ou ont été forcés par la guerre à le quitter, signifie : un État qui accepte l’acte hautement symbolique de remédier aux torts causés par la guerre de 1948, qualifié d’« Indépendance » pour l’un et du Nakba pour l’autre, en acceptant le principe de retour des réfugiés de 1948. Mais aussi, un État capable de présenter des solutions éthiques réalisables (et non pas réalistes selon les rapports de forces en place et suivant une logique strictement étatique), aux résultats de la guerre de 1967 à savoir, le retour des réfugiés de 1967 et l’évacuation des colonies construites sur des terres confisquées aux palestiniens.
Un seul pays-un-seul État capable d’organiser ses relations spirituelles avec les juifs, les musulmans et les chrétiens avec « La Terre Sainte » sans exclusivité de l’un sur l’autre. Un État capable de réglementer et de contrôler ses frontières sans la Loi d’Alyia hautement instrumentalisée politiquement par le Sionisme dans un mouvement messianique d’ultranationalisme religieux. Mais aussi, un État luttant contre la stratégie strictement religieuse d’un Hamas palestinien considérant la Palestine comme La terre exclusive de l’Islam.Un seul-Pays-un-seul-État, ni juif ni musulman, ni ethnique, ni confessionnel, ni bi ou tri confessionnel, ni national ni binational. Il s’agira d’une solution éthiquement salvatrice.
Le nom, le drapeau, l’hymne protocolaire seront peut-être l’affaire des générations futures de ce pays ensanglanté et traumatisé par les guerres et par les aléas de l’histoire.