Ofra Yeshua-Lyth : Pourquoi un État juif n’est pas une bonne idée
Naji El Khatib (Avril 2018)
Ofra Yeshua-Lyth, militante dans les cercles de la mouvance pour un État séculier en Palestine et opposante israélienne a présentée en avant-première, le vendredi soir 13 avril 2018 à 19h, à la librairie Résistances (4 Villa Compoint 75017 Paris, M° Guy Môquet ou Brochant), son livre « Pourquoi un État juif n’est pas une bonne idée », publié par les éditions Scribest.
Ofra est tout d’abord une femme courageuse. Ainsi, elle envoyé au début mars un témoignage écrit au tribunal de Versailles pour s’indigner du procès fait par l’État à Olivia Zémor, poursuivie en justice parce que son association avait appelé, en janvier 2011, Vanessa Paradis à ne pas aller chanter en Israël et à ne pas y rencontrer l’ex-président Shimon Peres.
Elle milite pour la fin d’un État juif et de l’apartheid israélien.
Dans un livre à la fois percutant et plaisant à lire, elle explique — souvent avec ironie — la nature religieuse du mouvement sioniste sous son vernis laïc et moderne. L’auteur puise dans les histoires de ses deux grands-mères immigrantes venues du Yémen et de la Russie, pleines d’espoir et de courage, ou dans d’autres récits et rencontres, pour illustrer l’échec du sionisme à séparer la religion de l’État.
« Alors que le monde occidental se préoccupe du fondamentalisme musulman au Moyen-Orient, on prête peu d’attention au traitement israélien du judaïsme qui dans sa version la plus extrémiste rejette la cohabitation avec les non-Juifs. Avec la création de l’État d’Israël, le mode de vie ségrégationniste des générations de juifs orthodoxes a été adoptée au Moyen-Orient sous une forme politique hautement militarisée, condamnée à générer l’apartheid et l’effusion de sang. »
« Pourquoi un État juif n’est pas une bonne idée » propose une large panoplie d’observations au sujet de la société israélienne, en se polarisant sur la métamorphose des Juifs orientaux, les immigrants en provenance des pays arabes et leurs descendants. Destinés à remplacer la main-d’oeuvre palestinienne arabe dans l’industrie et dans l’agriculture, les Juifs orientaux ont été encouragés à se détourner de leur culture arabe en faveur de la solidarité juive.
Le livre critique certes les Juifs israéliens, en particulier cette élite intellectuelle soi-disant laïque et libérale, mais il les présente aussi comme des victimes de leur loyauté erronée envers un dogme archaïque. « Le lavage de cerveau commence avec le rite de la circoncision des jeunes bébés mâles, encouragé par leurs mères. Perpétrée à l’âge d’une semaine, elle constitue l’initiation à cette foi vénérable. Ses membres se trouvent alors quasiment dans l’impossibilité de se détourner d’une idéologie qui leur enjoint de servir les intérêts d’une communauté unique et en danger. Si, qui plus est, cette unicité décrète qu’ils peuvent bénéficier de privilèges coloniaux, pourquoi s’y opposeraient-ils ? »
Ofra Yeshua-Lyth rejette « la fiction qu’est la solution de deux États » parce qu’»elle est tout simplement un moyen pour légitimiser la discrimination de pans entiers de la société. Il faudrait tout au contraire qu’un processus démocratique et laïc mette fin au régime de « l’État juif » que nous connaissons actuellement, reléguant l’occupation de la Palestine, celle de 1948 et de 1967, au stade de mauvais souvenir. »
Un « État laïc et démocratique », estime l’auteur, devrait être « une perspective heureuse pour tous ceux qui vivent entre Méditerranée et Jourdain, parce que les diverses populations placées sous le contrôle actuel de l’État israélien sont encore capables de secouer un joug injuste imposé par un code juridique confus, inefficace et traversé par de graves contradictions internes. »